21.03.2018
C'est arrivé comme ca, sans prévenir. Comme lorsque l'on se promène sur la côte basque sous un beau soleil, et que soudain la pluie vous surprend.
Je me revois, tremblante, terrifiée, sans voix, titubante dans les rues de Strasbourg, où nous etions partis découvrir les marchés de Noel.
Je me revois lire le résultat de ma prise de sang effectuée le matin même, pour des symptomes d'état grippal. Encore moi, mais plus vraiment la même. Ni malade, ni complètement en forme. Mon corps et mon âme savent déjà, seul mon mental me cache la vérité.
Tout va changer à partir de cet instant précis.
Je me revois tendre le résultat affiché sur mon portable à la gérante de la Pharmacie
" Les Cigognes", l'implorant du regard de me confirmer mes craintes. J'entends ces mots résonner en moi, ce murmure souriant qui fait l'effet d'une bombe, qui me transperce, me tétanise, me crucifie littéralement à mes peurs les plus enfouies...
" Oui Mademoiselle, vous êtes bien enceinte...de trois semaines"
Je revois les autres pharmaciennes tendre l'oreille, se mettre à rougir, sourire, me dévisager; les clients impatients, d'un coup se figent et se tournent vers moi, succombant à la même gaieté que les autres, excités de découvrir ma stupéfaction. Le monde s'est arrêté de tourner. Une fraction de seconde il m'a semblé que le temps s'était suspendu dans le vide. Et moi, j'ai le vertige.
J'ai l'impression d'etre cette Alice, tombée dans le terrier du Lapin blanc. Tout semble être à l'envers, inversé, anormal, étrange. Je me sens dépossédée de mon corps, incapable de manifester le moindre signe de joie.
Et puis il y a toi. Qui prend ton visage entre tes mains et qui me fixe comme si tu n'en croyais ni tes yeux ni tes oreilles. Tu sembles boulversé par mon état de choc et l'intense joie que tu aimerais laisser sortir de toi. Je le vois bien et pourtant je n'ai ni l'energie ni l'envie de t'aider à manifester ce bonheur. Et je te demande pardon pour cela. Pour toutes ces larmes que j'ai laissé couler quand nous sommes allés nous réfugier au Starbcuks et que tu m'as offert un thé avec l'inscription "Future Maman" sur le gobelet. Pour ces sanglots sincères et douloureux, à te repeter que je n'y arriverai jamais, que c'est trop tot, que j'ai encore le coeur décousu, que je ne veux pas m'abimer, que peut etre notre enfant ne s'entendra pas avec moi, que nous nous connaissons à peine...
Et quand la nuit tombe sur les sapins et les guirlandes, les premieres veritables nausees, celles de la prise de conscience, voient le jour.
Ces nausées qui n'en finissent plus. Ces migraines. Ce corps endolori, refermé, qui a froid, qui voudrait se donner toutes les chances d'y arriver mais qui n'y arrive pas.
Ces vomissements de bile jaune quand la peur et la colere prennent trop de place et qu'il faut bien les évacuer d 'une facon ou d'une autre. Ces nuits de tensions ou le ventre s'etire, se distend, se déploie. Tout craque, tout grince, tout change. Et moi, je me retrouve prisonnière de ce corps qui change, de cette matière qui recoit la Vie, sans me demander mon avis. Je souffre et pleure, le jour, la nuit; dans le salon, dans le bain, aux toilettes, dans la voiture. Je me sens...dénuée de pouvoir, d'amour, de joie, d'envies.
Je suis comme déshumanisée. Je songe même à me supprimer. Je me sens profondément incapable de faire face à cette nouvelle étape de vie.
Mes démons interieurs reprennent du service, des valises poussiereuses et enfouies trés loin dans ma chair refont surface, et une force interieure qui grandit en moi ouvre ces dernieres sans mon accord. J'ai des flashs de mon enfance, que j'avais jusqu'alors totalement zappé de ma memoire. Le subconscient memorisait il vraiment tout?
L'odeur du couscous de Mamie, ses bracelets dorés qui gigotent à son poignet, ses yeux d'opale. Les beignets au sucre de Tunisie.
La fois ou j'ai eclaté un tube d'arnica,que la creme verdatre a sauté en l'air et atteri sur le nez de ma mere, et que nous avons ri à en pleurer.Les sieste que nous faisions elle et moi le mercredi avant d'aller à mon cours de theatre. L'odeur de mon premier chien.
L'ecriture de mon pere, ronde, thyroidienne, celle d'un hedoniste qui aimait m'envoyer des dessins d'avion pour que bientot je le rejoigne sous les cocotiers. Ces jours ou il jouait Santana à la guitare dans le garage. L'envie de voir mes deux parents danser ensemble le jour de mon mariage.
Mes parents qui me manquent. Leurs voix, leurs odeurs, leurs rires.Je voudrais les serrer dans mes bras, leur dire comme je les aime, comme j'ai aimé vivre ce qui m'a ete donné de vivre à leurs cotés.Cette enfance un peu grise mais teintée de lumiere, qui s'eloigne définitivement de moi, maintenant que je vais à mon tour devenir mére.
Oui, la grossesse est terrifiante.
Parce qu'on m'a un jour foutu cette croyance dans la tete, et que chaque jour je travaille un peu plus pour me déconditionner de cette dernière.
On m'a dit que je pouvais dire au revoir à mes seins. Que je ne dormirai plus jamais vraiment aprés la naissance. Que les vergetures etaient inevitables. Que je pouvais faire la maligne avec mes idées de vegan ecolo qui refuse la tetine, les ecrans, le lait infantile, la peridurale, mais que je changerai vite d'avis. On m'a fait comprendre que l'accouchement est forcement vécu dans la douleur. Que le corps ne redevient jamais ce qu'il a été. Qu'un bébé vous empeche de prendre soin de vous. Que la maison sera un vrai bordel, que vos cheveux seront gras et que vous ne trouverez pas 5min pour les laver. Que vos projets de voyages, de lancement d'entreprise, vos soirées, vos cinés, vos baisers, tout ca, c'est derriere vous. On m'a repeté mille fois qu'un enfant, c'etait du bruit, des limites toujours repoussées, des cernes, beaucoup d'argent depensé, des crises de couples, des insomnies à s'elater la tete contre les murs; mais attention: "Ca vaut vraiment le coup"....
Je suis une femme assez logique. Quand on m'énumère autant de choses negatives, et qu'on termine son discours par "Mais bon, c'est la plus belle chose au monde tu vas voir", pour moi, il y a clairement un non sens. Et un soucis.
Alors je me suis mise à bouquiner, fouiner, chercher le positif. Le VRAI positif dans tout cela. D'autant plus que dans notre societé, mal vivre sa grossesse est plutot mal vu, et incompris. On nous bassine à longueur de temps qu'avoir un enfant est un vrai défi, et dans le meme temps, "Sois heureuse d'etre enceinte et tais toi".
J'ai décidé de changer la donne.
La premiere bonne nouvelle, c'est que chaque grossesse est differente. Aucune ne ressemble à une autre. Et rien, RIEN n,'est impossible, ou immuable, ou figé.
Et voilà, au stade du second trimestre, ce que je me promets à moi même pour en finir avec ces pensées négatives liées à la maternité:
-Que tout peut changer et rien egalement. On peut avoir de plus beaux cheveux, ou des cheveux qui tombent. des vergetures ou pas. Une belle peau ou des boutons. Des migraines ou pas. Des nausees ou pas. Des sciatiques ou pas.Des hemorroides ou pas. Des envies ou pas. Des degouts ou pas. Etre heureuse ou pas. Mieux dormir ou cauchemarder. Aimer le sexe ou s'en eloigner. Rien ne change. Tout se modifie.
C'est VOUS qui choisissez ! (=votre mental, vos croyances, vos limites)
-L'accouchement peut etre heureux, et non douloureux. Il peut etre vécu dans la joie, le rire,la detente, la pudeur, l'intimité, le RESPECT. Sans une medication,sans appareil,sans piquouze,sans dix mille personnes qui passent leurs mains sur votre corps au point de ne plus vous sentir humaine.
-Le corps peut redevenir ce qu'il a ete, et je dirais meme plus: il peut encore être plus beau qu'avant:) Il suffit de s'en donner les moyens, manger principalement fruits et legumes, beaucoup se masser, marcher, reprendre une activité, se faire confiance.
- Le corps SAIT comment accoucher d'un être humain. Il est FAIT pour ca. Pas besoin d'episio, ni de monitoring, ni de péri, ni de cesariennes, ni de toutes ces conneries infligées par le corps médical parce que "ca va plus vite et parce que c est lucratif".
Donner la vie ne devrait jamais être un moyen de rentabilité. Ce n'est pas parce que je suis moi même née sous cesarienne que je vais forcement vivre la meme chose. Ce n'est pas parce que j'ai peur de la douleur que je vais forcement avoir mal. L'idee ici est de travailler son mental et son systeme de pensée positive. Plus vous imaginez votre accouchement heureux et bienveillant, plus les choses se mettent en place facilement.
Le corps exprime ce que vos pensees impriment en lui, alors changez la donne!!
- Que l'allaitement n'est pas l'oeuvre de "vaches laitieres" ou de "meres parfaites qui reussissent tout au premier coup". Ca peut prendre du temps, ca peut etre douloureux si c'est mal vécu, mais ca peut aussi cartonner, marcher,être source d'un accomplissement, d'une grande joie, d'une belle reussite feminine:) Que les seins ne seront pas abimés, qu'en prenant soin d'eux, tout rentrera dans l'ordre.
-Que la maison peut rester propre, rangée, accueillante, parce que vous n'êtes pas seule, il y a votre conjoint qui est là pour vous soutenir. Et qu'avec un peu d'organisation, OUI on peut dormir en meme temps que son bébé pour ne pas devenir dingue avec la fatigue et AUSSI prendre le temps de ranger, et être organisée.
-Que meme si on devient mere, meme si on allaite, meme si on passe beaucoup de temps à la maison, on n'est pas en PRISON.Ne prenons pas les choses à l'envers. Beaucoup de femmes ont peur de cet etat "pieds et poings liés", obligées de tourner en rond à la maison alternant allaitement-repassage-menage-allaitement-cuisine-allaitement-lessive-etc etc...
Je suis bien placée pour savoir que votre systeme de pensée est le createur de votre realité (la preuve: Il aura fallu que je conscientise le fait d'etre enceinte pour commencer à vivre les degats hormonaux de la grossesse que je me suis moi meme infligés !)
Et moi je decide de rester EN VIE. D'allaiter, de rester au calme à la maison les 40 premiers jours, pour que mon corps se referme, pour creer cet espace de securité ,d'intimité et de complicité avec mon bébé, pour me reposer. La creativité n'est pas morte, la vie ne s'arrete pas, elle fait juste une pause!
Et puis ca fait du bien d'etre deconecté du monde reel. Est il si important que ca finalement? Donner la vie et la maintenir, c'est etre CREATIF par excellence. Les mojitos,les sorties,la vie sociale, toutes ces petites decorations referont surface avec le temps.
Je me jure par la suite de reprendre le sport, les sorties, les voyages, d'emmener mon enfant partout avec moi,d'inviter mes amis à diner,de rester une femme.
-De ne jamais culpabiliser si ce que j'ai prévu n'arrive pas exactement comme je l'aurais souhaité, preuve que je n'aurais pas assez travaillé sur moi meme, et sur mes peurs.
-De ne jamais délaisser mon conjoint au profit de ce statut de maman. De l'inclure dans cette nouvelle realité, de ne jamais le rejeter.
-De comprendre et d'accepter que mon bébé est une âme parmi tant d'autres, qu'elle ne m'appartient pas. Que je suis uniquement son guide spirituel pour lui apprendre à vivre une vie humaine, ici, sur Terre. Qu'il aura ses gouts, ses envies, ses choix, ses crises de larmes, et ses fous rires. Que je ne peux modeler un être à ma maniere, je peux simplement lui offrir le meilleur. Rien n'est grave, tout est important.
-Que je n'écoute et n'ecouterai plus jamais ceux qui me diront comment faire.Quelle mere etre. Je peux décider que mon enfant sera vegan, qu'il ne fera jamais aucun mal à un être vivant. Qu'il n'aura pas de jouets en pastoc, qu'il n'aura pas d'ecran TV ou portable sous les yeux, qu'il n'aura pas de tetine en plastoc dans la bouche. Parce que je crois fermement à ces valeurs, et personne n'a le droit de me faire croire le contraire.
-Je me promets de me laisser le temps de me faire à cette nouvelle vie, de ne pas m'en vouloir, ni me juger, d'aller à mon rythme, et quoiqu'il arrive, de rester la même :)
"Cette possibilité que la maternité ne soit pas un don inné, qu'elle se construise avec l'enfant dans le doute et la folie, dans le tâtonnement de la raison du plus aimant."
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