29 Juin 2018
Sasha,
J'ai mal partout.Je n'aime pas me plaindre. J'aime encore moins faire semblant de prétendre que tout va bien. Je t'apprendrai que tout ce qui ne s'exprime pas s'imprime dans le corps, et ca,je ne le veux pas. Je considérerai tes colères comme saines si elles ne sont pas le produit d'un caprice.
Ce troisième trimestre est long, mais enfin, nous le vivons ici, chez toi, au Pays basque. Là où tu vas naître. Nous t'offrons ce premier privilège: un cadre de vie. Nous avons construit un nid douillet pour t'y accueillir. Ici, la verdure est luxuriante. L'ocean t'attend, toi, ta petite planche de surfer, tes coquillages et tes cheveux mouillés et emmêlés par le sable. Ici,il y a les hortensias, bleus, roses, de mille tons,qui sentent le sucre et qui deviendront peut être,tes fleurs preferees. Celles que tu offriras à la premiere fille que tu aimeras?
Ici,il y a la montagne, qui se dresse face à l'ocean. On les croirait adversaires, mais en realité, elles sont complices... et plus loin, l'Espagne.
Je te ferai découvrir l'Andalousie, San Sebastian, ses vielles rues et ses délicieux tapas,le musée Gugenheim si tu en as envie,à Bilbao. Et puis il y a tant de choses que moi même je ne connais pas encore et qu'ensemble nous découvrirons.
Pour le moment, Il s'agit de rester concentré sur nous. Toi & moi.
Notre rencontre, est ce qu'on va s'apprecier? S'entendre? Se reconnaitre?
Je me demande si enfin, je vais lacher mes valises, celles qui me font douter, et me chagrinent beaucoup. Celles auxquelles je m'accroche, parce que donner naissance, c'est mourir un peu, renaitre beaucoup. Il y a des jours où je ne me sens pas prête.
Des jours ou il pleut tellement dans mon corps. La peur m'engloutit et je me noie dans des scenarios douloureux, incomprehensibles. Je suis comme ces futurs papas, qui ne savent pas vraiment aimer tant qu'ils n'ont pas vu leur bébé. Faut que je me batte contre ca. Et dans le meme temps je n'ai pas envie de faire semblant. On peut attendre un bébé et se demander si on l'aimera. Se demander si tout cela est réel. Trouver tout abstrait, surréaliste, inconcevable. Ne plus avoir envie. Vouloir revenir en arriere.
La peur est une grande sorcière. Parfois, je pense à toi en me disant que c'est une connerie. Que j'ai pas tout fait, pas tout fini, pas tout réglé. Que je suis pas assez bien, pas assez grande, pas assez mure. Je me raconte des histoires pour endormir mon chagrin, l'anestesier un petit moment, et pour te demander pardon de n'être que l'ombre de moi même. De t'envoyer ces pensées négatives qui brouillent notre communion. Je te sens bouger constemment, et pourtant je voudrais une réponse, un signe de ta part...
Est ce que tu m'entends pleurer?
Est ce que tu me sens sourire?
Est ce que tu me pardonnes quand je ne sais plus aimer?
Je voudrais que tu me dises "Mais tu n'as pas idée de ce que nous allons vivre tous les deux. Je ne t'ai pas choisie par hasard. Tu es celle qu'il me fallait, et je suis celui qu'il te fallait pour baisser les armes, et ouvrir ton coeur à la Vie. Pardonner. M'aimer, et comprendre qu'avant, rien ne comptait. Rien ne comptait vraiment."
Alors en attendant que cela arrive, je patiente.
Je lave tes petits vêtements, je les repasse, je retire les étiquettes et je les parfume au parfum pour bébé. Je rentre timidement dans ta chambre pour m'imprégner de cette energie neuve d'enfant à venir, inconnue jusqu'à maintenant. Je me demande si l'on se regardera dans les yeux, si tu aimeras le bleu fjord que l'on a choisi pour que tu passes des nuits calmes. Je teste le babyphone, le mouche bébé, les doudous musicaux, mais sans être tout à fait certaine que bientot, tout cela va vraiment servir.
Je participe aux cours de préparation à l'accouchement avec ton père, toujours serein et decontracté. On m'apprend à accueillir mon bébé, à devenir mére. Et ca me va trés bien, je ne suis même pas certaine de savoir comment te porter. Comment te parler. Comment accoucher, comment te rencontrer. Je reste tout à fait enseignable et j'admets volontiers ne rien connaitre à cet univers, ne pas savoir, ne pas pouvoir toute seule. J'ai l'impression que l'enfant, c'est moi. Un enfant qui attend un enfant.
Etrangere à mon corps, à qui je suis.
Prends encore ton temps, celui qu'il nous faut pour qu'ensemble, nous soyons prêts à nous lancer dans la vie, la vraie.
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