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Photo du rédacteurElizabeth Boccara Bright

Je ne t'ai pas aimé tout de suite.



Mon Amour,


Il m'aura fallu plus d'un an pour l'admettre et ne plus nier l'évidence.

J'avais envie d'enterrer ce secret au plus profond de mon corps, pour que même mon âme soit trompée par mon intelligence sournoise. Mais le bonheur, c'est aimer. Et aimer, c'est avant tout comprendre. Je ne te demande pas de me pardonner, simplement de me comprendre.

Comment peut on aimer quelqu'un que l'on n'a encore jamais vu? A qui l'on a jamais parlé?


On m'avait dit "Ton bébé, tu le reconnaitras, tu le comprendras, te le sentiras avant même de le rencontrer. Et le jour de votre rencontre, ce jour là, tu n'en connaitras aucun d'aussi beau".


Sasha, je te le dis aujourd'hui, avec la plume lourde et le coeur défoncé de chagrin: le jour de notre rencontre n'a pas du tout été le plus merveilleux de ma vie. Ni le suivant, ni ceux d'après. Je suis tombée dans l'immense vide abyssal de la maternité d'une seconde à l'autre, avec un petit corps inconnu niché contre ma poitrine, et aucun outil, aucun manuel, aucune instruction pour savoir comment m'en occuper, ni comment l'aimer.

Simplement un joli mantra digne des romans et films américains:

" C'est le plus beau jour de ta vie". Si tout le monde s'accorde à le dire, c'est que cela devait être vrai? Cela DOIT être vrai.


Tu m'as semblé être comme un petit animal tout chaud, posé sur mon torse, et, par instinct animal, ou intuition féminine, je ne saurai définir cette sensation d'abnégation, il m'est apparu logique et responsable de veiller à ton bien être, là, tout de suite. Et toutes les heures qui ont suivi depuis ta naissance. Mais la vérité, c'est que toi, ou un autre, quelle différence y avait il ?

Tu étais le résultat d'une décision actée neuf mois plus tôt, et je devais en assumer l'immense et redoutable conséquence. Le verdict était tombé: tu étais mon enfant, et j'étais devenue ta mère.


Les jours passent. Les heures interminablement longues. Les nuits terriblement blanches. Les pensées qui se noircissent. Je ne sais pas m'attacher à toi. Je suis devenue un robot qui alterne sans aucune pause l'allaitement, l'endormissement, le rangement, le change, les lessives. Je ne me regarde plus jamais dans un miroir. Mon corps mincit et bientot je ne prends presque plus de place dans la maison. Je me sens si seule, si tu savais. Je vis un isolement quasi suicidaire. Je ne percute pas que tu es là, que tu cherches mon regard, que tu attends un signe. Je fais les choses parfaitement bien, et je me fais passer pour une jeune mère en pleine forme, organisée, heureuse dans son couple et épanouie dans sa maternité.


Je suis passée pro dans l'art de mentir. Et pourtant, toi seul connait la verité.


Nous pleurons ensemble le jour, la nuit. Je me souviens avoir eu l'envie de mourir, de disparaitre de la surface de la Terre pendant la tétée que je te donnais la nuit. Je me souviens des larmes qui coulaient de mes joues à ma poitrine, et qui se mêlaient au lait que tu buvais.

Ce sentiment étouffant d'immense culpabilité parce que personne ne m'a dit la phrase magique dont j'avais tant besoin d'entendre : " On peut ne pas aimer son enfant quand il nait. On peut apprendre à le connaitre et envisager l'amour sur un long terme."

Parce que la verité est là: ce n'est pas que l'on n'aime PAS son enfant. Simplement, on ne ressent pas un amour immense et transcendant au premier regard. Ni au deuxieme. On est neutre au contact de celui ou celle que notre corps a crée. Peut-être que les mères qui liront ce message devraient se demander pourquoi nous vivons cette neutralité à ce moment là de notre existence. Peut-être que cela nous renvoie à l'amour que nous ne nous portons pas à nous même ? Un sentiment presque inexistant, qui ne prend pas de place, mais qui attend d'être découvert et exploré.


Il m'a fallu un an pour t'aimer véritablement, mon amour.

Durant ces 12 mois, et si tu te poses la question, il n'aura jamais été question de t'abandonner, de t'en vouloir, de te maltraiter. Ce fut à moi d'apprendre l'abandon. L'abandon de soi. L'abandon d'une vie d'avant. L'abandon de tous ces schemas et ces croyances limitantes qui t'obligent à être une mère parfaite, un enfant modèle, à vivre une grossesse inoubliable et sexy, et un accouchement rêvé. Abandonner ces croyances, et apprendre à t'aimer, au rythme des saisons. Apprendre à découvrir tes trésors cachés, tes pouvoirs magiques, et les miens également. La route est encore longue, tu sais. Mais elle est exquise puisque jonchée d'apprentissages et d'enseignements qui me donnent la capacité d'être la maman qu'il te fallait.

Je ne t'ai pas aimé dès notre première rencontre Sasha.

Mais je peux te promettre une chose, l'amour qui se mêle et s'entremêle entre nos deux coeurs est plus fort et coriace qu'aucun amour ne l'a jamais été.


Je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie...


PS: A toutes les mères qui "n'aiment" pas leurs bébés dans la micro seconde qui suit leur naissance (et même un peu après), je n'ai pas la clef ni la solution, mais je peux vous donner un conseil précieux: faites vous confiance & faites confiance à votre enfant, il saura vous conquérir.


L'amour, c'est un foutu sentiment vous savez. Alors aimez à votre rythme, et envoyez bouler tous ceux et celles (y compris votre salopard de mental) qui vous fera croire l'inverse.

Je crois en vous moi :)


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