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Photo du rédacteurElizabeth Boccara Bright

Cher Utérus


Mais pourquoi je n'ai pas pensé à m'adresser directement à toi auparavant?

30 années sur Terre, 131.400 jours passés sur Terre à te considerer comme une chose étrange, un peu gênante, presque secondaire, comme s'il existait mon corps, et puis toi: un organe tabou, difficile à comprendre, douloureux une semaine par mois, au centre de tant de mysteres, de mepris aussi, de manques d'attentions et d'indélicatesses.

Je t'ai toujours un peu esquivé, en toute franchise.

J'ai toujours evité de te regarder franchement, j'ai préféré te defier en lâche, sans vraiment te comprendre ou du moins essayer de le faire. J'ai preferé te maudire quand tu me faisais souffrir, alors qu'en realité tu m'envoyais des SOS, des appels à l'aide.

J'ai detesté te sentir, gonflé, et douloureux. J'ai toujours eu du mal à te troquer contre une nuit d'ivresse, un bon resto, un coup d 'un soir: pour cela je t'ai toujours respecté.

Je ne t'aimais pas, parce que je ne te connaissais pas; pour autant je ne t'ai jamais méprisé dans ce que tu representes symboliquement chez la femme: TOUT.

Je n'ai jamais compris pourquoi le monde entier se faisait tout un monde à ton sujet et à celui de tes adjuvants, tes potes le vagin, le clitoris, l'anus, etc etc. Pourquoi tu es l'objet de toutes les convoitises, la muse de tant de poemes, textes, livres, chansons, peintures, sculptures, ôdes à la femme; et dans le même temps la victime de tant d'injustices, de mediocrité,de manque de compassion, de tortures, de crimes contre l'humanité parfois.

Pourtant, je sais qui tu es.

Tu es ma maison. Tu as été ma premiere demeure sur Terre. Et à présent, tu es celle du petit garcon que j'attends. Tu es notre foyer, notre nid,à chacune d'entre nous.Indispensable à notre survie, lieu de procreation, de desirs, d'avenir.

Je t'ai longtemps détesté parce que tu me faisais mal. Jusqu'au jour où j'ai compris que c'est moi qui te faisais mal, avec mes pensées negatives sur la condition feminine, trop lourde à tenir dans notre monde actuel. Je trouvais les regles de la societé trop dures, alors forcement, mes regles à moi etaient insupportables. Je n'etais qu'un simple reflet de la vie que je m'infligeais. J'ai toujours eu beaucoup de mal à me faire pardonner auprés de toi pour cela, puisqu'encore avant de tomber enceinte, tu m'envoyais des eclairs de douleurs chaque mois, sans compter ce flot ingerable de sang qui me vidait d'energie et de joie de vivre.

Et puis sexuellement. Sexuellement.

Comment prendre du plaisir quand tu n'as de place que pour la douleur? Celle d'une vie intra utero déjà douloureuse. Et puis celle de relations fragiles et violentes, à toujours vouloir me comporter comme un homme, à refuser categoriquement qu'on me prenne pour une petite chose fragile, moins intelligente, mions capable, moins forte, moins tout. Ne jamais me sentir egale à l'homme, vouloir la superiorité, la monnaie d'une piece qu'on a jamais rendue aux femmes, et ca, depuis des siecles.

Avoir la sensation d'accueillir dans ma chair l'ennui, l'autre, qui ne comprend pas, qui ne cherche pas à comprendre pourquoi toi et moi, cher uterus, on se sent seuls, oubliés,abandonnés, depuis toujours. Les mémoires cellulaires sont parfois coriaces, n'est ce pas?

Alors aujourd'hui, et à quelques semaines de donner la vie à mon tour, alors que je m'en croyais incapable puisque inachevée dans mon esprit de femme un peu persecutée, qui passe son existence à se demander d'ou elle vient, je te demande de bien vouloir me pardonner. Pour tous ces amours détraqués, ces chagrins que je t'ai infligés, mes erreurs et mes sautes d'humeur...

Et je te remercie d'abriter Sasha, d'en prendre soin, d'avoir accepté cette mission au delà de moi même, au delà de mes capacités et de mes peurs. Je sais que dans quelques jours, ensemble, nous allons vivre quelque chose de totalement inédit, que tu vas m'aider à me surpasser, à aller au delà de l'être humain que je suis. Merci de n'avoir jamais fabriquer la maladie en toi, ni la sterilité, par vengeance, ou par besoin de te faire respecter...

Saches que je t'aime, oui je t'aime, et tu n'appartiendras jamais à personne, ni à aucun dogme inventé par l'homme.

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